Mon métier : polyglotte

Mon métier : polyglotte

J’ai toujours rêver de parler plusieurs langues comme Cléopâtre. Par goût du voyage, du dépaysement, des sonorités et des rythmes. Las… force est de constater que je parle anglais not fluently yet, que entiendo el espanol pero no le hablo bien et que je n’ai que de vagues Erinnerung d’allemand (le « Ruhe ! » de la maîtresse d’école et le « Bruder Jacob » appris dès le CP dans les Vosges).

Mais je me définis pourtant bien comme une polyglotte car, à défaut de parler la langue de Shakespeare ou de Goethe, je parle plusieurs langues… d’écriture :

  • un langage soutenu, littéraire, lyrique, poétique, grandiloquent,
  • un langage pédagogique, didactique, analytique,
  • le langage courant de Monsieur et Madame Toutlemonde,
  • un langage trivial qui frôle avec le familier, parfois le grivois sans trop,
  • un langage enfantin,
  • etc.,

tout en évitant le langage vulgaire du type « Casse-toi, pauvre con ! » sarkozien ; même si, en privé, il m’arrive de lâcher la bride.

Adapter son langage à sa cible et à une situation

A ce stade, vous vous demanderez peut-être : où veut-elle en venir ? A mon métier !

Longtemps, j’ai dit que mon métier c’était écrire : donner des informations et savoir raconter des histoires (les fameuses story telling si chères aux communicants). Mais en fait, l’art est plus subtil qu’il n’y parait et les réflexions de certains clients (du genre « on vous fournira les textes », « on a écrit le document, il est très bien, vous pouvez juste le rendre beau si vous voulez ») m’ont poussée à affiner ma réponse.

Bien sûr, tout le monde sait écrire. On nous apprend à reproduire notre nom dès la maternelle, puis on nous serine qu’une phrase = sujet + verbe + complément.

Alors ? Mon métier consiste à faire plus : je suis « brand content manager ». La première fois, que j’ai vu ce terme, je me suis dit « waouh, la classe ! », puis « aïe, un anglicisme qui ne connait pas d’équivalent en français ». J’ai tenté une définition, insatisfaisante : je suis productrice de contenus intelligents (la définition littérale étant plutôt « stratégiques »).

Mon métier est d’adapter un langage à une situation et à une cible :

  • en récoltant les informations les plus pertinentes grâce à l’art de la maïeutique (merci Socrate et Platon)
  • en choisissant celles à donner en fonction de l’objectif fixé,
  • en hiérarchisant l’ordre dans lequel il faut les donner,
  • en écrivant dans le ton et le style les plus proches de mon lecteur,
  • en suscitant l’intérêt lecteur lignes après lignes par des techniques d’écritures (accroche, intertitre, chute, etc.)

Une formation “Ecriture haut de gamme”

Et cela, tout le monde ne sait pas le faire… Il s’agit même d’une formation continue. Pour cela, il faut lire (et pas que “Arlequin, champion de l’Amour”) et s’exercer comme sur un métier à tisser.

Quand j’étais encore correspondante du quotidien La Croix, j’avais demandé à suivre une formation « Ecriture haut de gamme ». La direction était très dubitative (le fameux « enfin, tu sais écrire… »). En deux jours, le journaliste-écrivain François Thomazeau nous avait fait prendre conscience qu’il fallait libérer notre plume des tics d’écriture et des convenances par des exercices surprenants, loin de nos articles de journalistes.

L’un d’eux consistait à écrire un texte à partir de deux contraintes : la première phrase et la dernière phrase étaient imposées. Notre rédaction devait commencer par « Du haut de ces pyramides vingt siècles nous contemplent… » et terminer par « et l’ours était mort de froid ».

On avait une heure.

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