Ecrire, c’est de la sueur et parfois des larmes…
Pour une fois, ce billet ne sera ni caustique comme de la soude ni urticant comme du poil à gratter.
Soyez cléments, ne fuyez pas. Promis, je vais éviter le sirupeux. Il y a aura, si ce n’est du sang, de la sueur et des larmes.
Le 5 décembre 2016 sortait Occitanie Pyrénées-Méditerranée, le livre que Les Editions Privat m’ont demandé d’écrire dans leur grande tradition historico-patrimoniale(*).
Derrière le papier glacé et les superbes photos signées Arnaud Spani, il y a eu un doute abyssal. Allais-je y arriver ? Il me fallait écrire 250 000 signes (l’équivalent de 60 fois ce post !) en six semaines sur un thème digne d’une encyclopédie : notre nouvelle région qui, avec ses 72 724 km3, est plus grande que bien des pays d’Europe !
250 000 signes, l’équivalent de 60 fois ce post !
Evidemment j’ai immédiatement dit oui.
Evidemment, en raccrochant le téléphone, je me suis dit : « tu es folle ! ». Mais, moi, les défis, ça me connait : décrocher khâgne à Henri IV pour une petite provinciale, réussir la meilleure école de journalisme de France (ESJ Lille), une décennie de reporter terrain avec près de 150 articles par an, la rédaction en chef d’un titre éco à 30 ans, monter un magazine avec un bébé d’un mois, se reconvertir dans la com’. Bref, même pas peur !
Sauf que là, en fait, si, j’ai eu peur. Ce n’était pas la peur de la classique feuille blanche, vu l’ampleur du sujet. Mais la peur de ne pas réussir à gravir cette montagne d’informations à ingurgiter et à retranscrire (de surcroît dans un style plus littéraire que ce billet).
Malgré ma bonne volonté, ma force de travail et mon acharnement, je ne me voyais pas au sommet, même éreintée et à genoux. Plus d’une fois à l’aube en me mettant à l’ouvrage, j’ai eu envie de pleurer. La douleur était profonde, tripale même.
Par où commencer ? Quelles informations choisir et celles à ne pas retenir (ce qui fut parfois un crève-coeur) ? Comment éviter l’oubli majeur et regrettable ? Comment lire autant de documents sur chacune des 13 préfectures, la singularité du patrimoine maritime ou encore la tradition des fêtes de l’ours, et en restituer la substantifique moelle en peu de mots (le fameux « réduire sans déformer ») ?
Dynamique de production
Je me suis mise dans ma bulle. Pendant un mois et demi, je me suis cloîtrée et je me suis raccrochée à ce que j’ai toujours su faire : un rétroplanning de petit soldat, au cordeau, avec “X” pages à écrire par demi-journée. Cela me donnait le sentiment du devoir accompli en fermant mon ordinateur le soir. Je gravissais ainsi poc a poc (« petit à petit » en catalan) mon Everest.
Je me suis mise dans ma bulle aussi parce qu’à l’époque de l’écriture, à l’été 2015, cette fusion Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, qui n’était pas encore effective (elle le sera 10 mois plus tard au 1er janvier 2016), suscitait soit de l’indifférence soit des esprits chagrins. Rien de bon pour être dans une dynamique de production.
Je me suis raccrochée à mes notes d’intention (que j’ai relues il y a quelques jours avec plaisir pour voir si, finalement, je les avais respectées). Avec le directeur des Editions Privat, Philippe Terrancle, nous nous étions fixés plusieurs lignes directrices qui devaient soustendre les 320 pages :
- créer des images mentales de cette nouvelle région que beaucoup d’habitants découvrent complètement. Interro surprise : qui peut me citer les 13 départements et leur sous-préfecture ? 😉
- montrer les ponts entre les deux anciens régions sans en forcer le trait
- ne plus réfléchir en mode “Midi-Pyrénées + Languedoc-Roussillon” mais en mode unique “Occitanie” sans gommer la singularité de chaque territoire (d’où un chapitre “Les Suds”)
- renforcer tout ce qui concourt à une véritable fierté d’appartenance à ce nouvel ensemble
- mettre en lumière ce qui fait d’Occitanie une grande région (“haut lieu” de l’Humanité, contribution à des inventions, exceptions remarquables, etc.)
Ayant toute petite beaucoup bourlingué en France, je suis consciente (privilège des immigrés ?) qu’habiter en Occitanie est une chance formidable : ce ciel bleu et haut même en hiver, le mariage mer-montagne, notre rapport aux éléments naturels, notre art de vivre, etc. Cette terre, bénie des Dieux, est pour beaucoup un eldorado. Ce livre est pour moi ma déclaration d’amour à cette région que je ne me vois plus quitter.
Au final, la montagne a été gravie – ce qui, je l’avoue, donne un sacré sentiment de fierté – et promis, elle n’a pas accouché d’une souris ! Surtout, depuis j’ai écrit trois autres livres… comme quoi on y prend goût !
(*) avec le concours du professeur Pierre-Marie Terral
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